On ne peut commettre une micro agression
Par Patrick Lynes
À partir de nos biais inconscients, nous pouvons « générer » une micro agression. Nous ne pouvons pas « commettre » une micro agression comme nous pouvons « commettre » une agression. Cette distinction est primordiale au départ. Instaurer une politique zéro envers les agressions au sein d’une organisation est souhaitable. Instaurer une politique zéro envers les micro agressions ouvre la porte à l’aléatoire, aux injustices, à un climat de travail tendu et malsain.
Pour l’illustrer la distinction entre une agression et une micro agression, imaginons qu’un homme âgé se rend à un kiosque de téléphonie cellulaire pour demander à une préposée dans la vingtaine de lui expliquer le fonctionnement de certaines applications de son nouvel appareil. Si la préposée lui rétorque : « Franchement, si vous êtres trop vieux pour connaître les fonctions de base d’un cellulaire, vous seriez peut-être mieux de vous en tenir aux anciens téléphones ». Ici la préposée a « commis » une agression d’âgisme et mérite d’être réprimandée. Si au contraire, la préposée se montre affable et patiente dans ses explications et que, suite aux remerciements de l’homme, elle s’adresse à lui avec un sourire avenant: « C’est super que les gens de votre âge se familiarisent aux nouvelles technologies ! ». Il est possible que l’homme ressente une micro
agression qui lui rappelle avec un petit pincement au cœur que sa jeunesse est loin derrière lui. Mais dans cette situation, la préposée a sans doute été maladroite, mais elle n’a pas « commis »
une micro agression, elle en a « généré » une.
Elle ne saurait être blâmée pour le malaise qu’elle a suscité chez l’autre malgré elle, alors que son intention était bienveillante. Tout comme on ne saurait invalider le sentiment de malaise éprouvé par l’homme en considérant extérieurement que « ce n’est pas si grave que cela ». Nous
n’en savons rien de ce qu’il éprouve. Il a peut-être appris la veille qu’un de ses bons amis du collège vient d’être admis aux soins palliatifs. Pour surmonter le malaise éprouvé, l’homme peut mentionner à la préposée que ça lui est difficile de se faire rappeler son âge avancé. Et en retour,
cette dernière peut s’excuser de sa maladresse ou encore lui assurer qu’elle n’avait pas l’intention de l’indisposer.
La personne qui a commis une agression mérite une réprimande. La personne qui a généré une micro agression mérite d’être entendue.
Une micro agression est révélatrice d’un problème de
communication. Dans le contexte de polarisation actuelle, nous pouvons tous subir ou générer des micro-agressions. Confrontés à une de ces situations inconfortables, plutôt que de blâmer l’autre
ou de se justifier, exprimons ce que nous éprouvons et acceptons que, tout comme nous, les autres sont sujets à des interprétations et à des maladresses qu’ils peuvent rectifier.